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18 avril 2007 3 18 /04 /avril /2007 00:02

    
     Le boulanger s’occupe à peindre soigneusement un « BIENVENUE » sur la façade de sa boutique. Du haut de son échelle, il dévisage Saber, puis lui fait un signe comme pour lui dire : « Patiente ! Je vais descendre te servir ! ». Saber attend. Il meuble le moment de son attente d’une question : «  Qu’est-il en train de penser de lui, le boulanger ? Arrive-t-il à différencier entre son être et son paraître ? Non ! Il ne semble lui accorder aucune attention particulière. Le boulanger essaie plutôt de bien former les lettres de son écriteau.
   Enfin il descend :
   -Que veux-tu toi ?
   - Du pain, répond Saber.
   - On ne vend pas des pierres ici, combien en veux-tu ?
   - Un…
   - C’est tout ?
   - C’est tout.
   - Tout ce dérangement pour…
 
   Saber se tait. Le boulanger tire de l’étalage un pain qu’il lui tend, et de l’autre main s’empare voracement des pièces de monnaie que son client venait de poser sur le comptoir.
 
      Il faut les supporter, les gens de ce genre, se dit Saber. Ils font partie de la vie. Il quitte la boulangerie en hâtant le pas de peur qu'il explose. "C'est tout", comme s'il voulait que je lui achète toute sa boutique. Je me suis bien conduit en me taisant, et ne faut-il pas toujours se retenir de réagir au futile ? N’est-il pas temps de me démontrer que je ne suis plus cet homme que l’exagéré éclat de la réalité le pourchasse et contraint à ne puiser son oxygène que dans ses ternes profondeurs ? N’est-il pas sage de se conduire calmement dans les situations écœurantes et énervantes, de toujours agir en maître de soi-même ?
 
    Il est comme ordonné à Saber de changer. Changer complètement. Il lui est comme révélé à cet instant comment doit-il s’y prendre. Il fera un effort pour se comprendre, se situer ; il ne permettra plus à aucune bizarrerie de s’infiltrer en lui ; il passera l’éponge sur le passé pour tout recommencer ; il apprendra à vivre parmi les francs et les hypocrites, les méchants et les gentils les fidèles et les fossoyeurs…La vie n’incarne-elle pas le Bien et le Mal. Je dois donc changer. Dès maintenant. A partir de cet instant même. Je suis las de traîner comme ça, comme une bête traquée. Commençons tout d’abord par oublier mon idéal et les séquelles laissées par ma vie sentimentale. Ainsi je n’aurai mal ni à la tête ni au cœur.
 
    Le pain sec ne suffit pas pour nourrir un esprit se voulant saint qui aspire à tenir son destin en main. Je vais donc m’acheter autre chose pour préparer mon déjeuner. C’est vrai, il est tard maintenant, dix-sept heures déjà, mais il faut que je prenne mon déjeuner comme tout le monde ; puis le soir mon dîner comme tout le monde. Et pour dormir à l’heure comme tout le monde, je passerai à la pharmacie m’approvisionner en somnifères. Ainsi, ce qui persiste de ma folie, disparaîtra à coup sûr. Je connais maintenant de quel côté souffle le vent qui m’emporte. Je commence à saisir la définition de « folie ». Combien est-elle simple ! Etre fou, c’est être différent des autres ; même si les autres sont tous des fous. Etre unique. Et le remède est d’une telle simplicité qu’il nous détourne et nous dirige vers les voies obscures de la complexité. Le remède est tout simplement : se dépouiller de sa singularité. Etre comme tout le monde. Le travail ? Travaillons ! Le repos ? Reposons-nous ! Le café ? Prenons un café ! Le journal ? Lisons le journal…Comme il est facile de ne pas être fou ! Il faut avoir l’esprit trop dépendant de la collectivité, de fondre dans la société, s’y perdre et éviter de transpercer de l’intérieur l’embryon. Il suffit de se considérer comme l’anneau d’une chaîne, l’élément quelconque d’un ensemble avéré sévère et qui ne tolère aucune dissidence. Un ensemble où chaque individu a un rôle précis. Je dois adhérer à cet ensemble quoiqu’il semble que les rôles sont injustement attribués. Quoiqu’on est assez loin de maîtriser la force du Bien qui gît en nous et l’utiliser pour donner un sens à notre existence.
 
   Je dois donc obéir aux lois qui règnent au sein de ma génération, me débrouiller pour ne me retrouver ni à l’avant ni à l’arrière de la monture, me garder de frôler –comme l’une ou l’autre rive d’un fleuve- les terres interdites, éviter de déborder.
 
   Un taxi ? Prenons un taxi ! Il est l’heure où tout le monde rentre.

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commentaires

D
 <br /> dure realite fidelement decrite  par quelu'un qui parait'il a trop vecu trop galeré  forgé par l'amere realité de la vie humaine la vie li faut la prendre telle qu'elle est  ni opposition , ni complaisance  et  prendre le juste milieu  comme le fleuve pour ne pas deborder pour reprendre les mot de notre ecrivain .<br />  <br /> bravo et bon courage <br /> djahid d'alger
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F
Wech ??? Tu reviens pas ? :-)
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B
Bachir, un mois d'absence. C'est long.<br /> à bientôt.
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T
C'est vrai que nous sommes tristes quand cette fatale réalité se revèle à nous.<br /> Bien écrit comme d'habitude!!
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