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19 novembre 2007 1 19 /11 /novembre /2007 00:00

-- Déposez-nous là-bas, au premier tournant, nous sommes arrivés.
-- et si je vous invite à déjeuner chez moi ? proposa la femme.
-- O merci madame, mais…
-- vous avez quelque chose à faire ?
-- Non.
-- Pourquoi ne voulez-vous pas déjeuner chez moi ?
-- Bon, puisque vous insistez, nous venons.
A l’arrivée, la jeune mendiante constata que le déjeuner était déjà prêt, pourtant personne d’autre que la maitresse de maison n’y était présent ; et le manger semblait plus que suffisant pour Rachida et ses enfants. Ce qui parut inexplicable à l’invité qui, incapable de taire sa curiosité, demanda :
-- Qui a préparé tout cela ?
-- Moi, répondit la dame en esquissant un sourire malin.
-- Je vois qu’il y en a assez, vous attendiez certainement des amis ou des parents.
-- Non, j’ai tout préparé, puis je suis sortie chercher quelqu’un.
-- Et vous ne l’avez pas trouvé ?
-- Je ne sais pas.
-- vous ne savez pas ?
-- Non.
Ne comprenant rien, Rachida se tut. L’autre remarquant son gêne lui précisa :
-- Je cherchais une femme qui pourrait travailler chez moi, rester à la maison, car je suis presque tout le temps dehors. Si cela vous intéresse, c’est donc vous le « quelqu’un » que je cherchais, sinon…
-- vous ne vous êtes pas trompée, madame, je suis bien cette femme…
Ça fait maintenant un peu plus de quatre mois qu’elle a commencé à travailler. Durant cette période, Rachida a mené une vie sans soucis. Parfois il l’inquiète d’avoir eu tout ce qu’elle voulait sans grands efforts. Badra la paie bien et lui offres beaucoup d’avantages. Elle l’avait dispensée, dès les premiers jours, de toutes les formules de politesse. Elle lui avait demandé de la considérer comme une sœur. Badra ne se met guère à table sans être entourée de Rachida et ses enfants. Elle ne se couche pas le soir sans avoir dans son lit Mourad, le plus jeune des enfants de la bonne. Elle l’aime plus que tous les autres. Elle ne sait pas pourquoi.
Le petit garçon s’était plaint un jour d’avoir deux mamans et même pas un père. Les deux veuves éclatèrent de rire, se fixèrent ; leurs visages tout d’un coup s’assombrirent, un nuage vint ombrer l’éclat de leur gaité. Chacune se vit en l’autre comme dans un miroir, triste et désolée. Chacune se vit tel un nid d’oiseau, s’agrippant à une branche d’un arbre squelettique aux feuillages éphémères, mis à découvert par un automne précoce. Une saison qui ordinairement n’arrive qu’après l’éclosion des œufs et le départ des oisillons.
Les deux femmes se retirèrent, chacune dans sa chambre. Chacune voulait vivre solitairement son orage.
Et Rachida pensa à son mari. Elle se rappela les conseils qu’elle lui donnait et qu’il n’écoutait pas. Elle insistait pour qu’il cesse de fréquenter ceux qui le menaient à la dérive ; mais il prétendait qu’il savait choisir ses amis.
Elle les connaissait, ses amis ; ils étaient tous des fossoyeurs, des voleurs, des agresseurs…le défunt était un honnête homme. Ses prétendus amis avaient besoin de lui comme figure niaise, innocente, pleine d’assurance pour mettre en confiance leurs victimes. Comme a besoin un marchand malin, de grosses légumes pour façonner ses étals. Comme a besoin un séducteur de belles formules pour dire son vil désir.
Rachida a cessé de reprocher à son mari ses imprudents agissements juste avant sa disparition. Car, quelques jours auparavant, il lui ordonna de ne plus se mêler de ses affaires. Il s’était éclaté : «  qu’est ce que j’ai tiré de cette vie ? Rien, tu sais pourquoi ? Parce que j’ai été toujours honnête, réglo, l’équivalent de « peureux » chez les gens qui savent vivre. Je n’ai jamais osé m’approcher de l’endroit où les astucieux puisent leurs fortunes. Pour y arriver, on doit emprunter un chemin qui sent l’illicite. Je ne pouvais pas supporter cette odeur ; j’avais peur de vomir tout mon ventre. Honnête et réglo, ton cher mari a passé ses jours à se faire écraser dans les bus, à faire la chaine devant les magasins pour s’approvisionner bon marché, à faire ses huit heures de travail…Comme il était bête, ton cher mari ! Il regrette déjà de n’y avoir pas pensé plus tôt. Comment ton cher mari n’avait-il pas su qu’il pourrait lui aussi toucher au trésor des audacieux sans sentir l’écœurante odeur ? Et pourtant c’était simple ; il suffisait de se boucher le nez…si je n’étais bête je n’aurais pas épuisé toute mon intelligence à résoudre des problèmes d’arithmétique à l’école alors que mes amis se conservaient, comme s’ils devinaient que les leçons théoriques n’allaient servir à rien. Et voilà ! ils avaient raison. Ils n’ont pas bourré leurs cervelles de noms de pays, de superficies, de nombre d’habitants, de noms d’insectes, de grenouilles, de poissons. Ce méli-mélo ne pullulait pas dans leurs têtes les privant de leur sommeil. Ton futur chevalier jouait aux héros. Il levait le bras pour se proclamer après chaque composition champion de la classe. Champion des enfants. Qu’a-t-il maintenant ton champion ? Pourquoi n’ose-t-il même pas lever la tête ? Parce que quand il a grandi, tout en lui s’est refroidi ; il a perdu sa volonté de fer et son obstination de réussir à tout prix. Arrivé à l’endroit du véritable départ, il s’est écarté de la course pour laisser foncer les gens qu’il devançait. Ils ont joué aux papillons nocturnes et se sont précipités sur le feu qui, au lieu de les brûler, les illumina. Ton cher mari jouait le prudent, le sage…le sage ? Non ! Un sage conçoit qu’un vrai martyr meurt en fonçant plutôt qu’en reculant… ».
Rachida savait que son mari n’avait pas complètement raison. Mais il la plaisait de l’entendre user de tout les moyens pour se justifier. Elle entrevoyait cependant une certaine justesse  dans ses idées ; elle ne voulait pas le lui reconnaitre ouvertement, elle préférait souvent être d’un avis différent pour distinguer sa personnalité, se dissocier de lui qui, sentant cet éloignement, s’entêtait à utiliser milles moyens afin de s’imposer et se faire approuver. Elle adorait ce jeu. Elle y renonçait quand les choses se gâtaient. Jamais elle ne laissait son mari aller jusqu’au bout de son désespoir.
A suivre…

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commentaires

L
Il faut savoir deviner, rebelle. Bachir laisse toujours une "hikma". De telles histoires sont tirées de la vie réelle et bien peinte par Bachir. Lisez ça pauvre riche. <br /> C'est Hammou, mon voisin, le laborantin qui a vendu la mèche  du 3/4.<br /> <br /> " Tu te lèves un jour de bonne heure. Tu regardes éclore une fleur.Tout en toi te dit. Qu'elle est belle la vie " <br /> Voilà ce que je fais de ton café!! Je te l'envoie!! <br />   <br /> <br /> Bien à toi.
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T
J'aime bien Rachida
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B
Salut rebelle! ne te précipite pas et retire ta remontrance lollll! il faut attendre la suite pour juger!
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B
Salut vagabond! le mousselsel continuera...je suis sans 3/4 là mdrrr<br />  
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R
salut bachir.desolé mais je vais te faire une remontrance! tu crois toi qu'une femme comme badra, va ramasser une mendiante est ses enfants dans la rue, et les loger chez elle? c'est un peu gros ça!!!ça ne colle pas, essaye de regarder ces mendiante et tu verra si ça incite une femme de la ramener chez elle!
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