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26 novembre 2007 1 26 /11 /novembre /2007 00:00

« Elle ne va pas refuser ». Il le dit tout haut en introduisant la clé dans la serrure. Il ouvre le bureau, son regard tombe sur le journal de paie à moitié entamé. Il réalise que beaucoup de travail l’attend. Mais rien ne l’empêchera de mener à bien son projet…Ce qui l’inquiète le plus est par où commencer. Attendra-t-il jusqu'à ce qu’elle vienne au bureau pour le lui annoncer ? Cherchera-t-il un prétexte pour monter chez-elle ?
Il lui dira : « je viens t’avouer que…j’ai trouvé très bons les conseils que tu m’as donnés ces derniers jours ; tu voulais que je me marie ; tu as même juré de faire face à toutes les dépenses qu’entrainerait le mariage. Cependant tu ne m’as rien dit sur la femme que je dois épouser. Tu m’as laissé le soin de faire librement mon choix, tout en étant certaine que je ne porte en mon cœur que toi. Quittons nos solitudes ! Quittons nos errances ! Allons l’un vers l’autre ! Marions-nous, et vivons ensemble le restant de notre vie… »
Badra, telle qu’il la connait ne dira pas toute de suite : « oui, j’accepte »…elle saura exprimer son consentement par ce sourire où se lit sa joie intérieure, par cette sorte de regard étincelant de bonheur. Non ! Elle ne refusera pas.
Saber dégaine son stylo et attaque la paie des ouvriers. Il s’est arrêté hier à la fiche de Bounour.
Il tire le net à payer du chauffeur, se demande comment ce dernier parvient-il à nourrir ses huit enfants avec un aussi misérable salaire. Avant tout, c’est lui le responsable ; il aurait dû prendre ses précautions. Se laisser embarquer dans de telles aventures relève de la pure folie. « Moi, je ne dépasserai pas les trois, quatre au maximum : deux garçons et deux filles… »
Saber s’arrête, pose son stylo et se tient la tête entre les mains. Il vient de se rappeler que la femme qu’il aime et veut à tout prix l’épouser, n’avait jamais mis au monde un seul enfant, malgré plusieurs années de mariage.
Il essaie de laisser passer dans le calme ce maudit nuage qui s’est interposé  méchamment entre lui et son espoir, puis revoir plus posément la situation.
« Voyons, se console-t-il, c’est peut-être Kouider qui était stérile; Badra ne peut pas l’être car elle n’a jamais fait de mal à personne pour mériter un tel châtiment. Je prouverai qu’elle ne l’est pas. Je l’entrevois dès maintenant faire les manières de début de grossesse de toute future mère. J’entends à cet instant sa voix chaleureuse et gonflée de joie m’annoncer l’heureuse nouvelle… Mais si tout cela n’est qu’un rêve ? »
« Si tout cela n’est qu’un rêve, Badra souffrira de ne pouvoir me donner un enfant ; je souffrirai alors avec elle. Je ne l’abandonnerai pas. Y a-t-il plus bel amour que celui qu’on élève à l’ombre de la souffrance ».
Saber parvient à balayer le spectre du désespoir. Il a réussi à faire du nuage qui menaçait de s’éclater en un orage dévastateur, une pluie fine, douce, et fertilisante.
« Il se tire bien d’affaires celui-là, pense Saber, en calculant la paie du chef de chantier ; Un salaire intéressant et moins d’enfants. C’est ça la vie. C’est presque toujours les mauvais qui réussissent à bien se débrouiller matériellement. Les mauvais ? Non ! Personne ne nait mauvais. L’homme le devient en essayant de gagner plus, de devenir important, usant de tous les moyens, sans aucune mesure. Il ne te remercie pas après la moisson, celui qui a tourné et retourné la mince chair de ton dos osseux pour semer les germes de ses ambitions. Il ne te remercie pas parce que tu as eu le tort d’user ta chair pour n’obtenir que l’éphémère. »
« Revenons à la paie ! A cette allure je ne terminerai pas aujourd’hui. N’oublions pas le temps que va prendre mon entretien avec Badra. Tournons la page, et au suivant. Le gardien. La paie de celui-là…
-- Bonjour Saber !
Rachida est là, l’air inquiet. Il la connait bien, elle aussi ; elle fait cette tête quand ses enfants vont mal.
-- Bonjour ! Où sont les enfants ?
-- ils sont partis tôt le matin avec Madame à l’hôpital.
-- Sont-ils malades ?
-- Non, elle les a emmenés juste pour un vaccin.
« Qu’est-ce qui l’inquiète alors », se demande Saber.
Elle demeure silencieuse, ce qui force saber à trouver de quoi meubler ce silence. La présence de la femme de ménage semble le gêner, le déranger. Il a l’impression, quand ils n’ont rien à dire, qu’ils pensent tous les deux à la même chose, le même souvenir émerge…
-- j’ai beaucoup de travail, se plaint-il.
-- Vous n’avez pas que le travail, il y a un autre problème à résoudre.
-- Un problème ?
-- Oui, vous devez réparer ce que vous avez causé sans que la patronne ne sache rien, sinon…
Saber n’a jamais vu Rachida aussi énervée. Enervée ? Non. Son air exprime un mélange de mélancolie, d’inquiétude, de colère. Elle ne lui a jamais parlé d’un ton aussi sévère. Elle s’adresse à lui comme si elle lui réclame une dette. Pourtant Saber est certain qu’il ne doit s’agir que d’un rien-du-tout. Les femmes font du futile tout un scandale ; c’est Bounour, le chauffeur, qui le lui avait appris.
-- Bien, dit Saber, quel est le problème Rachida ?
-- Il ne faut surtout pas que Madame sache…
-- Mais non, ne craignez rien !
-- C’est important, ce que je vais vous révéler….voilà Madame et les enfants qui reviennent, je vous le dirai tout à l’heure, je monte maintenant.
-- Mais attendez !
Rachida et déjà partie. Saber tape fortement du poing sur la table : «  Comme elles sont incompréhensibles ! Elle a certainement fait une gaffe, cassé un objet précieux, cher à la patronne, et veut me coller le tout sur le dos. Enfin tout cela sera sans gravité d’ici peu. »
Ce sera sans importance. Il sera le futur mari de Badra qui ne repoussera pas se demande de tout pardonner à la pauvre femme de ménage.
Les enfants, tout contents, sont montés en courant, pressés de montrer leurs nouveaux jouets à leur maman. Badra range encore dans un sac les objets qu’elle vient de sortir de la malle de la voiture. Saber l’observe comme s’il assiste à travers les lueurs de l’aube à l’éclosion silencieuse, lente et voluptueuse d’une fleur solitaire. Badra le surprend, le salue d’un large sourire qu’il juge prometteur. Elle monte à son tour l’escalier. Sa longue robe couleur de terre se lève timidement à chaque marche pour laisser apparaitre, tel un éclair éblouissant, le bas de ses jambes.
« Revenons au travail ! La paie du gardien. Celui-là…Je ne vais pas la voir tout de suite. Attendons que la lie se dépose au fond du cœur. Ne faut-il pas que Badra se repose ? ».
 A suivre…

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commentaires

R
quoi bachir, tu ose dire que si une femme est sterile c'est une punition divine? et si c'est kouider que diras tu?tu sais tu as fait de saber, un sot qui n'a pas compris se que sa nuit de folie, ou plutot ou il a perdu "la tete", se qui en resulte! tu vois ils pense qu'elle a cassé qlq chose, alors que c'est plutot lui qui a "brisé" qlq chose !la 1ere pensée d'un homme c'est toujours :"c'est elle"!quand a toi le vagabond, pour que tu atteignes mon cartable et que tu fouine dedans, il t'en faut un peu plus, il est inaccessible!ha ha ha
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L
Tu nous cuisnes bien, Bachir. Tu t'es bien inspiré hier, alors inspires-toi mieux aujourd'hui. J'ai fouillé le cartable de Rebelle et voici ce que j'a trouvé. <br /> <br /> Merci de nous gâter, Bachir. Vas-y doucement, nous sommes devenus tes esclaves. Profite bien, mais la roue tourne. Mdr. <br /> Bien à toi.
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