14 mai 2008
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Ecraser une fourmis ne me parait pas drôle. Mais passer un bon bout de temps à penser à l’arrêt brusque de l’existence de la minuscule bête, à l’anéantissement de ce corps animé me semble exagéré.
Ne pas supporter les pleurs d’un enfant battu, la mort d’un brave laborieux dans la pauvreté, la cruauté de ceux qui sèment ça et là la tyrannie et s’approprient les libertés, la main tendue d’une femme sans ressources scrutant les visages des passants pour y déceler une pincée de pitié, la main d’un noyé, tremblante, atteinte jusqu’à l’abîme par l’indifférence…ne pas supporter cela pourrait être le sentiment éprouvé par beaucoup de gens. Mais me sentir un peu responsable de ce désordre et en souffrir m’est inadmissible.
Il m’est possible de citer un tas d’exemples où je ne peux nier ma complicité alors que les faits se déroulent hors de ma portée.
C’est pourquoi je m’invite parfois à un face-à-face avec moi-même. Je m’en sors toujours avec la même certitude : c’est la faute aux êtres humains et…j’en suis un. Je contribue donc à cet amalgame que tout le monde rejette…que je rejette. Je contribue en y mettant un peu de mon égoïsme, de ma jalousie, de mon hypocrisie. Et me trouvant face à face avec moi-même, je me vois comme une goutte de pluie, une toute petite goutte qui semble inoffensive mais qui donne en réalité la force au fleuve de déborder et dévorer les rives qui ne se lassent guère de reprendre confiance chaque fois que les eaux se retirent.
Oui je suis complice même en ne causant aucun tort aux autres, car en évitant de nuire je me laisse faire et nourris de ma passiveté les appétits voraces.