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13 novembre 2006 1 13 /11 /novembre /2006 00:03

         J’ai appris à vivre avec les moyens de bord. Je ris en éclats même en n’ayant au fond de ma poche qu’une pièce de vingt centimes. C’est vrai, elle ne vaut rien ces temps-ci ; elle ne vaudra rien, mais elle est considérée toutefois comme un bien que je possède. Un symbole. Je ris en éclats, et ce n’est pas ma propre pauvreté qui atténue parfois mon rire mais la misère des autres. Ils ne semblent pas seulement extérieurement misérables mais expriment activement, et de tout leur abîme, leur misère ; et delà découle leur certitude d’être inférieurs à leur semblables. Ce sentiment d’infériorité les torture plus que le véritable besoin. Seuls, échappent à cette torture, ceux qui jouissent des bienfaits de la sagesse accumulée au fil des années desquelles ils avaient tiré tant de leçons.
 
     J’ai appris à vivre avec les moyens de bord. Dans l’adversité, je regarde le ciel ; l’immense espoir bleuté me parait tellement éloigné que, désespéré, je baisse les yeux et, contre toute attente, j’éprouve la satisfaction de me retrouver quand même sur terre, cette tendre étendue veloutée dont il m’est encore possible de tirer des délices. Il ne faut pas cependant me contenter, quand le morceau m’est jeté, de manger la viande seulement mais casser aussi l’os et le sucer, en aspirer la moelle, l’essence de ce que je reçois. Voilà une façon de rendre le coup à la vie qui me suce, me sucera jusqu'à la dernière goutte de sang.
 
     Ce genre de raisonnement m’entraîne à penser à une sorte de consolation. J’ai l’esprit d’un désarmé qui veut bien croire que l’arme que pointe sur lui son adversaire n’est, en fin de compte, qu’un jouet. Démuni, je pourrai être heureux ou malheureux, riche ou pauvre, cela dépendra du degré de ma croyance en ce que je pense, de mon habileté de limiter mes exigences de sorte qu’elles puissent se contenter du disponible, du rêve possible.
 
    Enfin pourquoi s’enliser dans telles analyses ? Pourquoi ne pas dire, tout simplement, qu’on doit rester humain dans toutes les circonstances, faire ressentir l’échec à la misère, mourir avec un sourire sur les lèvres; ô quel défi ! ô quel courage !
 
                                                                                               
 
  

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